La graine = un organe vivant qui dort !?
À méditer
Rappel
En vase, les fleurs sont coupées: elles fanent plus tôt que tard.
Accepte!!
Pire encore! C'est toi qui vas les couper!

Un bouquet de fleurs dure le temps d'un haïku.
Temps de visite de certaines féériques qu'on fait entrer dans la maison:
pavot, pivoine, dahlia et pois de senteur: 3-5 jours
cosmos, anémone, digitale, cloche d'Irlande, muflier, giroflée, scabieuse et zinnia: 5-8 jours
Alors regarde-les souvent quand elles passent!
Je l'ignorais
L'ironie en moins, l'expression "C'est le bouquet" annonce la fin de quelque chose en beauté.
Dans ma tête de jardinière

Qui
veut
un
bouquet
cet
été ?

Voyons où cela va nous mener!
Je fais des semis de mon chemin.
Le Sol dont vous êtes le héros!
À gauche, en suivant cette rigole, j’aboutis dans la nappe phréatique où je me noie. À droite, je suis bouffée par une larve blanche que j’ai réveillée. Si je m’aventure par cet interstice, je suis capturée par La Motte d’Argile, à moins que je bénéficie d’un apport de Ca. Ici, c’est l’asphyxie, là, une remontée inespérée, car j'ai saisi la tige qui traverse les étages et perce la croute de surface!
C'e serait Guido d'Arezzo, un moine bénédictin italien, qui aurrait nommé les notes de musique, de prime abord associées aux lettres latines A à G, à l'aide de la première syllable des six premiers vers de l'hymne à St-Jean-Baptiste que je ne connais pas d'ailleurs. Sol: "Solve polluti", "Éloignez-vous, impurs!". Rien à voir avec la couche superficielle de la croute terrestre sur laquelle nous marchons! Vraiment?
Je l'ignorais!
Le verbe "végéter" est le fruit d'une bouture du latin impérial vegetare, qui sifnifie "animer, vivifier" (Le Robert historique). Qui l'eût cru!


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Le mot humus, dans le sens de "matière organique du sol, issue de la décomposition des végéraux" est un emprunt direct au latin. Ça fait plus savant!
Chez les plantes, la fleur et le fruit sont responsables de la génétique. Les racines, pour leur part, s'enfoncent dans le sol pour leur acheminer eau et sels minéraux en plus de les stabiliser.
On dit que la racine d'un mot est son centre, son noyau (son es-sens). Ça peut sembler paradoxal, non! Tous les mots construits à partir du même noyau sont apparentés comme racine et enraciner.


Journal d'un chemin

par Caroline Gomes
Planche 1
Janvier 2025
J'ai décidé d’ouvrir un chantier.
Qu’est-ce qu’un chantier? Spontanément, je dirais un espace dans lequel quelque chose d’envergure prend forme.
Comment? En façonnant la matière, matière à pousser, matière à écrire, matière à vivre et à rêver.
Mon objectif : fleurir.
Quelque part en moi, il y a une bouquetière. Voici le journal de mon chemin pour la trouver.
Planche 2
Février 2025
J’ai déniché deux armoires au fond du garage que leur contenu m’avait presque fait oublier. Aussitôt vidées, lavées, jointées, tapissées de papier réfléchissant et illuminées, elles ont adopté des airs d’étagère à semis.
Planche 3
Début mars 2025
Le temps des semis approche. Je fermente dans l’excitation. Je suis effervescente. Il faut patienter encore un peu.
Bientôt, je déposerai les premières graines de mufliers dans les rangées d’alvéoles et l’organe dormant pourra se réveiller.
Planche 4
Mi-mars 2025
Pour trouver mon chemin, je lance des cailloux comme le personnage du conte. Dans la maison, des livres couvrent les surfaces. On en déniche même dans les racoins et les dessous... sur les fermes, les fleurs, les techniques et les outils. Je lis. En attendant l'expérience du terrain, chaque jour qui passe, j’apprends parce que des hommes et des femmes me transmettent, par l’écriture, leurs connaissances. Merci beaucoup!! Il y a tant à savoir et les heures dans une journée ne suffisent plus. Ah! les premières fois !
Cette semaine, j’ai les deux pieds dans le sol et mon enthousiasme s'épanouit sur sa texture et sa structure. Le sol sur et dans lequel tout repose -nos pieds, nos routes, nos ponts, un très grand nombre d'animaux et de végétaux, même les mers et nos morts- est un lieu riche de ses passages, de ses échanges et de ses transformations. Pour moi, il devient aussi un espace fertile pour la narration.
Planche 5
Mi-avril 2025
De jeunes frênes qui avaient envahi le vieux jardin au cours des années élevaient toujours plus haut leurs fortifications. Avec ses airs de condamné, le vieux jardin nous avait presque persuadés qu’il était devenu imprenable.
Dernière fin de semaine d’avril, nous avons accompli quelques percées et consolidé nos fondations. C'est alors que le travail du sol a pu commencer. Le nouveau jardin a été conçu en parallèle au premier.
Planche 6
Mai 2025
Je félicite mon intuition. Les exercices de musculation du dos, des jambes et des bras que j’ai pratiqués assidûment dans mon salon depuis l’automne dernier m’ont été bénéfiques. En une journée, j’ai fait plus d’aller-retour entre Compost et Jardin qu’entre Gatineau et Montréal dans toute ma vie!
Ah! l’argile!
Mon père s’implique beaucoup. Son propre moteur s’actionne. Nous nous sommes même disputés la bêcheuse! (le motoculteur) Le moindre prétexte suffisait pour arracher l’engin des mains de l’autre. Je n’avais pas la même avidité quand Raf a manœuvré la détourbeuse. Cette machine pèse une tonne, ne sait ni reculer ni tourner.
Le jardin a pris forme. Il est beau. C'est exaltant!
Planche 7
Mi-mai 2025
Pendant ce temps, les semis poussent...
Je vous présente 1) les clochettes d’Irlande (deux feuilles lisses, deux boutonneuses!); 2) l’ammi (elle me rappelle le persil); 3) la nicotine, toute duveteuse!
Planche 8
3/4 mai 2025
Les températures froides ont interrompu la phase d’acclimatation (adaptation progressive des jeunes plants aux températures extérieures dans lesquelles ils croîtront). Ma maison s’est transformée en refuge. Les plantules se sont entassées sur la table à dîner, sur le plancher... La table basse au salon a servi a repiquer plusieurs centaines de semis pour éviter qu’ils n’étouffent dans leur cellule. 72 d’entre eux (célosie Flamingo Feather) aboutiront dans une plate-bande autour de la maison faute de pouvoir être transplantés à temps. J'ai ressemé cette variété. Dans la maison, il m’a fallu jouer avec la lumière et l’espace pour faire de la place à toutes ces minuscules petites graines écloses qui s’épanouissaient à l’œil. À ma façon, j’ai fait obstruction au blocage Oméga qui prenait d’assaut le Québec.
J’ai adoré l’étape des semis! Remplir de terreau humide les petites alvéoles, ouvrir les sachets de semences et découvrir leur aspect dont je ne soupçonnais pas la diversité, gagner en confiance, sentir germer une autre variété de familiarité…
Planche 9
Début juin 2025
Au moment de la transplantation, plusieurs courants confluent au jardin: Fébrilité, Vulnérabilité, Enthousiasme, Sensibilité…et Chaleur. ENFIN!
Planche 10
Mi-Juin 2025
Dans l’étagère à semis, seules quelques deuxièmes et troisièmes successions maturent encore sous l’éclairage artificiel. Toutes les premières ont atterri (voilà un dérivé du mot « terre ») dans leur planche dévolue.
Sous l’effet de la combinaison des opposés, Feu et Eau, le jardin prend en volume, en relief, en texture. Les verts foisonnent et quelques tendres pigments encore voilés débordent des bourgeons précoces. La première succession de zinnias traversera la barre du treillis horizontal posé à quelques 40 ou 45 cm du sol d’ici quelques jours. J’ai pincé les tout premiers aujourd’hui.
Mes chers V et L sont venus prêter main forte une deuxième fois la fin de semaine dernière. En combinant nos mains et nos sourires, le jardin a pris encore des formes. Des poteaux et du treillis se sont ajoutés. Et pour couronner la journée, les mouches noires nous ont graciés! Une journée accomplie!
Je n’ai plus revu de traces d’ours ni de chevreuils depuis l’installation de répulsifs solaires (une première expérimentation qui joue en faveur des fleurs). Mon père m’a téléphoné l’autre soir pour me demander s’il était normal de voir un rayon rouge émané du jardin. À l’entendre, il venait de découvrir un portail! Hi! Hi! C’est la faute à chère F!
Chaque jour, je passe en revue les planches du jardin, j’observe avec attention l’aspect du feuillage. Il faut aussi pallier le manque de précipitations et, bien entendu, je chasse les adventices! Ce joli mot désigne ce qu’on nomme communément les « mauvaises herbes », c’est-à-dire toutes celles qui s’invitent
spontanément là où on ne les veut pas. J’aime m’accroupir pour arracher ces petites mauvaises. Sentir dans la main le scroutch que font les racines quand on parvient à les extirper complètement au lieu de ne partir qu'avec la tête! J’ai aussi commencé à m’exercer à la binette en prévision des jours où me dresser me siéra mieux. J’ai cependant fauché un plan de clochette d’Irlande l'autre matin. Je disposais de quelques « extras » en banque, ce qui m’a vite consolée. Jusqu’ici, j’ai repéré deux chenilles qui grignotaient des feuilles de mufliers et je pense que quelques limaces ont tracé jusqu’aux nicotines sous les filets.
Ouf! Petite pause. Je sens qu’elle sera brève et j’en profite pour écrire.
Planche 11
Fin juin 2025
Mes petites clochettes d’Irlande sont atteintes : elles rouillent! Des taches brunâtres sont apparues sur les feuilles . En leur centre, un trou se forme. Le feuillage se nécrose et les plans fondent jusqu’à disparaitre… J’avais envisagé cette éventualité qui n’a rien d’inusité, mais quand ça se produit…
Je suis triste.
Planche 12
Mi-juillet 2025
Un peu moins de la moitié des clochettes est morte, même si j’ai revêtu ma combinaison d’astronaute à quelques reprises pour vaporiser un traitement à base de cuivre sur les feuilles et en-dessous pour évincer le champignon.
Même que ça s’est répandu dans le jardin! En fait, c’est partout dans la nature. Au Lac-des-Fées, la nature arbore le même look "paillettes brunes". Le même constat se répète ici et là dans la ville.
Bon...
En dehors des plantes, ce sont les araignées que je côtoie le plus! J’ai compté au minimum une vingtaine de variétés différentes. Mes cinq variétés de zinnias ne font pas le poids! En couleurs, peut-être, encore que j’aie aperçu une araignée dont l’abdomen était rose. C’était peut-être l’effet du soleil.
Planche 13
Fin juillet 2025
Dans le dernier mois, tout est allé vite. Chaque jour, mes yeux débordent de nouvelles fleurs! Le jardin est un joyau!
Je me faufile maintenant plus méthodiquement dans les allées. J’essaie de faucher le moins possible les tiges échappées des treillis et tuteurs qui frottent, piquent ou caressent le mollet ou le bras au passage.
J’ai pris un peu de recul depuis mes premières expériences avec la complexité de la cohabitation, avec la maladie et la perte. Quand j’atterris dans le jardin, je le contemple dans son ensemble. Ensuite, je prends le temps d’admirer les fleurs individuellement et aussi dans leurs rassemblements. Je me familiarise avec elles. Après seulement, je plonge sous la surface. J’explore l’amas du feuillage. Je remarque les traces et les conséquences du passage de certains insectes que j’apprends lentement à mieux connaître et à nommer. J'ai délaissé le mot "ravageurs" que l'on emploie sans justesse et qui pourrait aussi bien s'employer pour nommer les humains sans distinction. En fait, j’apprends peut-être à nommer la vie un peu plus objectivement au fur et à mesure que je retire quelques-unes de mes projections. Après tout, le jardin est un lieu propice à la comparaison!
Fin juillet (la suite)
Le jardin m’en fait voir de toutes les couleurs!
Dans le jardin, cela se dresse, s’affaisse, hésite, se courbe, serpente. Les fleurs ont beaucoup de personnalité! L’amarante, par exemple, se révèle davantage après s’être élevée à près de deux mètres de hauteur. Le tabac ailé (la nicotine) ne cesse d’allonger sans tuteur de nouvelles tiges velours, fortes et fines simultanément, au bout desquelles les fleurs lime en forme de trompette s’ouvrent une à une.
J’admire la farandole des pétales. Je jubile devant le zigzague de l’oiseau-mouche. Je sursaute en soulevant la bâche, car une longue couleuvre a été propulsée hors de sa cachette. Je deviens anxieuse quand je découvre une population de pucerons verts dans mes asters de première succession (Remarquez l’emploi du déterminant possessif de la 1ère personne du singulier!). Je m’impatiente quand mon père m’invite à souper alors même que je sers de festin aux maringouins et je n'apprécie pas toujours rentrer dans la voiture plus trempée qu’une fleur à l'aube. Mon corps, soumis aux conditions climatiques de longues heures, fatiguent autrement. Mais le jardin dans les premières lumières du matin m'émeut au premier coup d'oeil et l'expérience en cours du Chantier me remplit!
Il n’y aurait pas de jardin sans le soleil, l’eau et les insectes, alors même quand il y en a trop ou pas assez, je n’oublie plus de respirer et la lutte en moi voit ses proportions diminuer. Je m’en remets d’abord à l’action du savon noir, puis, après avoir épuisé mes capacités, à la Nature. Trop de contrôle ne me sied pas et me mène nulle part. Et j’aime me trouver dans le jardin. Le jardin n’est jamais fermé, il est ouvert en permanence, il est en continu et il se mêle de tout. Dans le jardin s’inscrit le passage du temps parce que, me semble-t-il, les fleurs ont une durée comme l’été, comme nous.