« C’est ma faute! - Oui, c’est la tienne! »
- Cargo
- 3 nov. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 nov. 2024
En visionnant quelques dramas (séries télévisées populaires asiatiques) pendant les dernières années, j’ai fait quelques observations. En voici une. Dans chaque situation qui génère des conséquences négatives, que cela se passe dans la sphère privée ou publique, il se trouve toujours au moins un individu pour revendiquer expressément l’exclusivité de la responsabilité. Il n’est pas rare non plus que deux individus rivalisent. J’ignore si cela est représentatif d’une mentalité répandue en Corée du Sud, en Chine ou au Japon, mais toujours est-il que dans leur culture populaire cinématographique, c’est la tendance. L’individu aurait pris le pli de la souffrance.
Au Québec, c’est tout le contraire. C’est la responsabilité des parents, des profs, du gouvernement, des réseaux sociaux, des médias, du voisinage, des grandes entreprises technologiques, des employeurs, des employés, des syndicats… Sous peu, il nous faudra réanimer les dieux que nous avons fait disparaitre, question de donner du répit au royaume d’en bas. Je ne saurais dire si le fait de ne plus aller à la confesse y est pour quelque chose ou si nous sommes devenus réticents à porter n'importe quelles responsabilités, mais nous avons pris l’habitude d'en charger les autres. C’est à se demander si bientôt on pourra encore mourir!
Les deux attitudes agacent. Qu’il se sacrifie pour les autres ou qu’il blâme autrui, dans les deux cas, l’individu remet à d’autres le poids des décisions morales à prendre. Ou c'est l’enfant qui baisse la tête alors que ses parents le grondent, ou c'est celui qui s’en plaint sans jamais faiblir. La famille peut nous garder immatures.
Ici, on ne faute plus depuis quelques décennies et bien vite on ne commettra plus d’erreurs tant on est devenu habiles à se décharger de tout. Par ailleurs, être naïf, paresseuse, ignorant, stupide ou négligente n’est pas irréversible, du moins pas tout le temps, c’est même naturel, mais pour en changer, cela implique des efforts, de la patience, de la volonté, de la curiosité, de l’enthousiasme, des objectifs... Soyons réalistes, c’est beaucoup trop demandé par les temps qui courent. L’être humain ne changera pas à moins qu’il ne souffre vraiment. Heureusement, l’étudiant d’aujourd’hui sait déjà tout avant d’avoir entrepris des études, impossible qu’il échoue, ou sinon, son échec ne signifie plus rien. Après tout, il a tous les droits et n’oublions pas qu’il pourra bénéficier d’une meilleure version de lui-même lors de la prochaine mise en jour.
Ici, le nombre des victimes se multiplie. Dans ces cas-là, il va sans dire que l’individu a été mal informé par, malaimé par, incompris de, dupé par, manipulé par, blessé par, bombardé de, atteint par, etc. La forme passive se répand de manière foudroyante. On s’est même lancé dans la chasse aux coupables récemment. Au train où vont les choses, il faudra se ranger derrière les uns ou les autres. Entre les deux, l’espace s’amenuise.
Même ici, il devient risqué d’exprimer des avis divergents. On prend déjà l’habitude de baisser la voix et de se faire discrets pour aborder certains sujets dont la liste augmente chaque jour, et on craint toujours un faux-pas, comme si on nous avait déjà retiré la capacité à discerner. On recourt même à la censure, sinon à l’euphémisme, aux détournements (ce ne sont pas des paroles en l'air), aux ellipses, aux omissions de toutes sortes et à beaucoup de politesse. L’hypocrisie sociale gagne en force ! Qu’on n’enseigne quasiment plus Molière à l’école n’est pas surprenant, c’est une tragédie!
Si, pour contrer des injustices et des comportements abusifs, on fait taire les gens, on dicte ce qui est acceptable et ne l’est pas, on suscite chez eux la peur et on les culpabilise, on ne cherche pas un terrain d’entente, on ne souhaite pas non plus renverser la vapeur, on ne fait qu’inverser les rôles. Chacun veut contrôler l’autre en brimant ses libertés. C’est encore une lutte de pouvoir dans l’histoire de l’humanité.
Si on se donne la peine de gratter les couches superficielles (ça n’est pas gagné), il est toujours étonnant de constater, quel que soit notre pays, combien nous avons de choses en commun.
Cargo