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De la douceur

  • F
  • 18 févr.
  • 3 min de lecture

Je l’ai appris de Soleil et Lulu, mes deux chats, car ils n’aimaient pas la brusquerie et encore moins la brutalité. Dès son entrée dans la maison, un de mes amis très « sur les nerfs » faisait disparaître Lulu. Même une fois, Soleil avait chuinté en le voyant, c’est sans parler de mon grossier voisin qu’il avait tellement en horreur qu’il se dépêchait à gratter à la porte pour se réfugier à l’intérieur quand ce malotru osait passer dans la ruelle derrière la maison.


À vivre avec ces deux « beaux chats, forts, doux et charmants », pour paraphraser un poème de Baudelaire, je me suis mise à la douceur comme on se met à table pour savourer un festin : celui du bonheur d’un quotidien paisible, bercé par le va-et-vient silencieux de leurs petites pattes en pantoufles.


Bien qu’ils soient maintenant au paradis des chats, j’ai conservé cette habitude d’un tous-les-jours en douceur, cette grande leçon qu’ils m’ont répétée sans cesse en étant tout simplement eux-mêmes.


Il y en a un autre auquel on associe la douceur, mais je tairai son nom de peur de susciter le holà des contemporains pour qui l’âme n’est qu’un mot dans le dictionnaire. On le disait doux, car il ne poussait, ne pressait personne, ne cherchait pas à dominer. C’était un tendre qui aimait les gens sans jugement, tout en étant d’une parfaite intransigeance. À toutes les questions sur comment faire, il répondait : « Suis-moi. » De gros livres ont été et sont encore écrits pour comprendre ce qu’il voulait dire. C’était bien lui, ça, laisser libre cours à l’interprétation. La mienne d’interprétation, c’est, comme lui, de poursuivre notre chemin, de rester sur notre route, de suivre notre voie sans contraindre les autres à y adhérer. À chacun, chacune, la leur.


Et s’il voulait tout simplement qu’on soit doux en commençant par soi-même. Déjà, la peur nous envahit. La douceur? On frissonne juste à y penser. Vite, vite, changeons de sujet.


Oui, la douceur fait peur. Elle nous rend sensible, vulnérable, ouvert. Elle nous fait déposer nos défenses. Choisir d’être doux est un geste volontaire qui hausse notre niveau de conscience. Et ça, le veut-on vraiment?


La douceur quotidienne change toutes nos valeurs — elle transforme radicalement nos relations avec les autres et, surtout, avec nous-mêmes.


Cette peur, elle s’explique, car nous n’avons aucune idée de ce que ça signifie dans le concret. Y avons-nous goûté dans notre enfance, notre jeunesse, notre vie d’adulte? Quelqu’un nous a-t-il « offert des douceurs » quand on était petit?


Par curiosité et par une chère habitude, j’ai consulté mon dictionnaire pour connaître le sens de douceur et de doux, et, comme toujours, ce que j’ai lu m’a pincé le cœur. Douceur : qualité morale qui porte à ne pas heurter autrui de front, à être patient, conciliant, affectueux. Doux : qui ne heurte, ne blesse personne, n’impose rien, ne se met pas en colère. (Entre vous et moi, grimper l’Everest, c’est peut-être plus facile à faire.)


J’en rajoute avec les qualités (vertus, peut-on encore en parler aujourd’hui) qui y sont associées : amabilité, bienveillance, bonté, clémence, gentillesse, humanité, indulgence, mansuétude, patience, délicatesse, tolérance…


Sont-elles toutes disparues de notre vie de tous les jours? Où sont-elles passées? Elles semblent s’être volatilisées dans l’atmosphère électronique de notre temps. C’est à se demander quand, pour la dernière fois, avons-nous été aimables, bienveillants, bons, patients, tolérants, doux avec soi, avec toi, avec eux, avec nous.


À écouter les nouvelles ces temps-ci, il me semble qu’un peu de douceur nous ferait du bien, n’est-ce pas?



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