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Sur les abysses

  • F
  • 2 avr.
  • 2 min de lecture

vue de l'océan Atlantique


Le monde à l’envers. Le passage au-dessus de hautes montagnes, de la longue faille entre les continents, de l’immense plaine, des bancs terre-neuviens. En dessous du dessus marin, le calque de l’univers terrestre, caché de nos regards toujours inquisiteurs par cette eau salée, gigantesques larmes éternelles de la création. La nostalgie des profondeurs si peu connues, ce vaste ventre de notre mère à tous.

Le deuxième jour, Dieu sépara les eaux du ciel des eaux de la mer — un des mythes fondateurs de notre espèce issue de l’océan, les eaux maternelles, reprise perpétuelle évocatrice pour chaque être de cette sortie primordiale.


Merveilleux océan Atlantique, redoutable épreuve vécue par nos ancêtres pour atteindre un continent étranger dans l’espérance d’une vie meilleure. J’ai navigué en six jours ce qui leur prenait parfois trois mois dans des petits bateaux à voile faits de bois. Soumis au gré du vent, des tempêtes, du calme plat qui arrive sans prévenir. Hommes, femmes, enfants, veaux, vaches, cochons, chevaux, matelots entassés dans ces coquilles de noix. On s’imagine à peine leur endurance.


Devant l’océan, appuyée au bastingage, avec le goût de me jeter dans sa beauté sublime, les adjectifs n’en finissent plus d’essayer de décrire ce qu’il m’a fait : envoûtant, hypnotisant, fascinant, changeant, présent et, surtout, ce sentiment qu’il est vivant, être puissant, tolérant de nos chevauchées sur ces vagues à l’ourlet blanc.


Ses mille et une couleurs, tous les gris possibles, puis le soleil qui perce et rend le ciel bleu. La fluidité infinie de ses formes de crêtes et de creux, pleines de mousse et de bruine. Sa cape de brume qui fait sonner la corne. Puis l’horizon sans fin, les nuages qui le recouvrent et s’ouvrent dans la lumière solaire, son roulis, son bercement, le froid et le vent mordants qui nous piquent pendant notre promenade sur les ponts, son bruissement chantant, mélopée incessante qui nous enchante.


Et le paquebot parcouru de longs frissons quand l’océan se monte et fait obstacle à sa course. Le ronronnement des moteurs, gros chat qui nous endort, serrés dans les lits doux de nos cabines. Dans ce grand navire où des milliers de personnes de tous âges et de toutes classes se côtoient, le rythme du tangage semble policer ce beau monde : l’atmosphère est tranquille, respectueuse, pas d’éclat de voix, pas de rires tonitruants, pas de bousculades ni d’esclandres ni de scènes. Tous vaquent à leurs occupations, se mêlent de leurs affaires. Notre mère à tous berce ses enfants.


L’immensité de l’océan et du ciel, couple majestueux qui se répond en miroir, tantôt camaïeu, tantôt indigo, parfois argent et or dans leurs reflets mutuels, ou encore des eaux noir charbon quand les cieux s’assombrissent. Cette immensité nous enveloppe, nous englobe, nous étreint. Notre vanité s’évanouit, on se sait petit, fragile, vulnérable et ça fait du bien à notre pauvre âme délaissée. L’océan la ravit et son ravissement nous pénètre de la joie profonde d’exister. Sur notre planète, joyau saphir du cosmos.



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