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Le Dragon

  • Cargo
  • 16 oct. 2024
  • 2 min de lecture

Je sortais des toilettes, étape incontournable avant de débarquer sur un nouveau sentier. Quelques enjambées seulement m’en séparaient quand je l’aperçus.


Avant de quitter la maison, j’avais appliqué un peu de cache-cernes, non pas que je craignais d’effrayer arbres et rochers, mais juste au cas où j’aurais croisé un spécimen d’homme intéressant. Donc, quand je le vis, pareil à une étoile posée dans Champboisé, je ne l’ai pas regretté. J’étais venue explorer, je m’apprêtais à découvrir, je ralentissais le pas pour ne rien manquer quand le premier coup d’œil m’en détourna et je m’approchai de lui lentement.


Les extrémités inférieures de ses ailes éperonnaient le sol et sa queue reposait sur le tertre duquel tout son corps se dressait comme une tige en plein soleil, à l’exception du cou qu’il ployait, comme si à cet instant précis il n’avait d’yeux que pour la Terre.


Par où commencer quand on regarde une créature qui simultanément se replie et se déploie?


Son beau corps maillé d’argent me faisait penser à un astre échoué au milieu de nulle part. Je ne suis pas friande de colliers, ils pèsent trop à mon cou, mais porter cette ondulation brillante pour l’éternité m’aurait donné des ailes, je le crois. D’ailleurs, à cet instant précis, tout ondoyait : l’herbe rase, les arbres, le dragon et moi. Je n’avais d’yeux que pour lui, alors je ne compris que plus tard la mesure du lieu dans lequel je me trouvais, après m’être assise à l’écart – le croyais-je d’abord – sur l’un des bancs en colimaçon qui jonchaient le sol comme les morceaux d’une spirale éclatée.


À cet endroit, la nature faisait penser à un vaste hall et son lustre naturel rayonnant consacrait l’assemblée. Dans cette salle du trône à ciel ouvert, les bois formaient une enceinte ligneuse. Tous les arbres au pourtour s’étaient découverts, hormis les six colosses bardés d’épines postés à travers la chambre pour garder la créature majestueuse. Au beau milieu de la cour du dragon, je sortis mon crayon.  


Dans ce grand salon à la croisée des chemins qui demeure invisible pour les uns, les autres s’y attardent. Je suis restée ainsi longtemps, à contempler le dragon d’argent, couvée par l’autre étoile. Mon corps baignait dans une aura de chaleur et le vent en courants d’air frais faisait frémir la moelle.


C’est ainsi que les destinations nous trouvent parfois.  

 

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