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Les mots-piqueurs

  • Cargo
  • 16 déc. 2024
  • 2 min de lecture

Il y a des mots qui, au moment d’une ou plusieurs expériences, se gorgent de notre substance en plus de leurs définitions. Ces mots-là nous dérangent et nous démangent de manière plus puissante et tenace que n’en sont capables les maringouins, les mouches noires ou les brulots. À moins que nous ne les percions à jour, ils s’infiltrent en nous, ce qui a pour résultat de nous en faire sortir. Ils nous mettent hors de nous! Impossible de les écarter du revers de la main, aussi bien aller à notre rencontre, accompagnés de notre mouche à feu de conscience?


Par exemple, j’ai longtemps détesté le mot « sacrifice », nom dérivé du verbe « sacrificare » en latin classique qui signifie « offrir un sacrifice à une divinité ». Mon père n’avait que lui à la bouche. Il avait beau s’en servir comme d’un concentré de toute la valeur du monde, ce mot ne me commandait pas moins de me départir de quelque chose d’important, de l’abandonner, pire, de le détruire moi-même pour me conformer à la volonté de quelqu’un d’autre en signe de dévouement. Qu’avais-je besoin de me dévouer à un autre, divin ou pas, moi qui m’apprêtais à toutes sortes d’expériences, moi qui voulais vivre, affranchie. Jeune, on n’a que soi à offrir, vous imaginez l’offrande!


De plus, les dieux, de coutume, ne font pas connaître leurs plans, ils sont impénétrables. Commode, pour eux, mais pour nous, c’est embêtant. Mon père est toujours demeuré évasif sur ce point. Il n’est pas non plus impossible qu’il n’en ait jamais rien su lui-même. Quand on sait de quoi les humains sont capables, on a intérêt à approfondir notre connaissance du dieu au commande, à moins que ce ne soit un démon, le sien ou le leur… Le Dieu pour lequel mon père travaillait, était-il un ogre? Mon père était-il subjugué? impuissant? obéissant? pour m’engraisser, m’instruire et m’éduquer afin qu’un coup farcie, je lui serve de repas pour son plus grand bien et mon plus grand malheur? Dans quel état était Abraham au moment de sacrifier son fils? Était-il désespéré? Vénérait-il Dieu au point de ne pouvoir souffrir de lui déplaire? Les enfants ont de quoi se rebeller! Il faut être humain pour le faire. Symbole, parabole, métaphore, image… figurez-vous que la vie humaine a si peu de valeur que nous consentons à toute sortes d’esclavages, ici comme ailleurs.


Toujours est-il que la seule chose que ce Dieu-là ne put avaler sont mes arrêtes d’émotions. C’est grâce à elles que j’ai tenu bon.


Bien entendu, mon exploration ne s’arrête pas là, elle ne fait que commencer.



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